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  • Photo du rédacteurIsabelle Nadolny

II - Une guérisseuse habile



Une histoire de Papesse...


Mathilde était guérisseuse. Elle vivait dans une petite maison au bord de la forêt, où elle allait cueillir ses simples. Sa réputation était grande. On disait d’elle en tremblant qu’elle avait percé les mystères de la nature mais aussi les artifices du Diable, qu’elle savait ce que nul autre ne savait. On allait la voir pour des maux de rein ou de ventre, des fièvres ou des membres brisés. On disait aussi sous le manteau qu’elle aidait parfois certaines pêcheresses à se défaire d’un fruit non désiré, ou encore qu’elle prédisait l’avenir. Ces messieurs de l’Académie toléraient mal sa présence dans le pays, mais comme elle avait sauvé le fils de l’un d’entre eux, à ce qu’on disait encore, on la laissait tranquille.


Un jour le roi fut très malade. Plusieurs doctes savant furent appelés à son chevet, tentèrent sur lui force purges, cataplasmes ou saignées, qui le rapprochèrent davantage de la mort que de la guérison. C’est alors qu’un de ses conseillers osa lui dire de faire quérir Mathilde.

« Elle est incomparable sire, elle a sauvé ma femme alors que tout était perdu. Elle vous sauvera sûrement aussi ! »


Mathilde trouva deux émissaires devant la porte de sa maison, armés de pied en cap, qui lui ordonnèrent de les suivre. Elle se retrouva bientôt dans la chambre du roi. Lui s’était assis sur une cathèdre, drapé dans son grand peignoir de satin bleu. Il la toisa, le teint jaune, l’œil sombre.

« - Si tu me guéris, dit-il, je te couvrirai d’or.

- Sire, je n’ai pas le pouvoir de ramener les agonisants à la vie. Le roi frémit. Il gronda :

- Si tu échoues je te fais le serment que tu mourras avec moi. »


Mathilde lui prit le pouls, réfléchit, fit trois fois le tour de la chambre en regardant par terre, ordonna finalement qu’on la laisse seule enfermée avec le tyran. Elle sortit quelques brins d’herbes de son sac de toile, les mit dans un verre d’eau et pria le monarque de boire et de retourner se coucher. Puis elle alla voir le garde à la porte de la chambre. Elle lui chuchota que le roi n’avait plus que quelques heures à vivre, qu’il serait bon que le peuple, les vassaux, les ecclésiastiques, enfin bref, tout le monde, se réunisse dans la cour du palais sous ses fenêtres, pour l’acclamer une dernière fois.


Peu de temps après dans la chambre on entendit une grande rumeur, qui grondait, s’amplifiait, devint bientôt un torrent de cris de joie, d’ovations et de rires.

« Qu’est-ce donc ? demanda le roi irrité.

- Sire, votre peuple est venu fêter votre guérison ! C’est une telle joie pour tous de voir que vous avez recouvré la santé, montrez-vous à votre balcon pour saluer et partager avec tous ce bonheur ! »

Alors le roi se leva, fit ouvrir la grande fenêtre. Il s’avança, cligna des yeux, ébloui… par la lumière du soleil et par les cris de la foule qui scandait son nom en agitant les mains ! Les gens étaient enchantés que le despote meure enfin. Lui respira l’air doux, entendit les oiseaux chanter, les cloches sonner, le peuple acclamer son nom. Ragaillardi, heureux, il ne s’était jamais senti aussi vivant. Il dit à Mathilde :

« Tu as réussi, diablesse. Vas-t-en avec ton or.

- Sire, gardez cet or que vous vouliez me donner, et fondez un hôpital avec. Là, sera ma récompense. »

Et Mathilde s’en fut prestement chez elle.


Le roi, lui, mourut la nuit suivante dans son sommeil. On le retrouva le lendemain matin dans son lit, un sourire d’extase sur les lèvres.

Bibliographie :

J'ai écrit cette histoire.

Si des histoires similaires vous intéressent, vous pouvez lire : Contes des sages qui guérissent / Marie Faucher, Seuil, 2007

Iconographie :

Tarot de Dodal, Lyon, 1701-1715










 




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